Pourra-t-on enfin fêter sans restriction ?
Noël est dans deux semaines. Le temps des grandes retrouvailles est-il enfin arrivé ? Pourra-t-on célébrer « normalement » le réveillon en famille ou porter un toast à la nouvelle année entre amis, après deux années de restrictions ? Ou la « triple épidémie » viendra-t-elle à son tour contrecarrer les plans festifs, sachant que les urgences pédiatriques débordent déjà ?
Nous avons posé la question à trois spécialistes de la question et leur réponse a été unanime : le temps des Fêtes pourrait (encore) être crève-cœur pour ceux qui souffriront de toux, d’un nez qui coule ou de maux de gorge. « Je pense que la meilleure façon d’agir si vous avez des symptômes, que vous ayez eu un test positif ou non à la COVID-19, c’est d’éviter les rassemblements », affirme Benoit Barbeau, professeur au département de sciences biologiques de l’UQAM. Le virologue soutient toutefois qu’il faudra suivre les recommandations de la Direction de la santé publique qui pourraient évoluer selon la progression des virus.
Même si c’est tentant de rattraper le temps perdu des deux dernières années avec nos proches, Benoit Barbeau croit que ce n’est pas le moment d’organiser « 10 fois plus de fêtes de famille ». Il encourage les gens à réfléchir à la taille de leurs rassemblements et à tenir des réunions à l’extérieur, si possible.
« Si vous êtes 20 dans une même pièce à l’intérieur pendant trois heures, s’il y a quelqu’un qui est contagieux, que ce soit par le virus de l’influenza, le virus respiratoire syncytial ou la COVID-19, il y a de bonnes chances qu’il y ait de la transmission et que certaines personnes développent des symptômes », avance-t-il.
Roxane Borgès Da Silva souligne que les réunions de famille du temps des Fêtes réunissent souvent plus d’une génération, de petits bébés jusqu’à leurs grands-parents ou même leurs arrière-grands-parents. « Les enfants en bas âge et les personnes âgées, ce sont des personnes vulnérables aux virus qui circulent actuellement. Il ne faut pas les mettre à risque », insiste la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
Surtout que les urgences débordent déjà. La Dre Borgès Da Silva rappelle d’ailleurs que les hôpitaux connaissent toujours un pic d’achalandage en janvier, depuis avant la pandémie. Les cas de gastro et de grippe se multiplient pendant le temps des Fêtes et certaines personnes aboutissent aux urgences.
« À cela s’ajoutent cette année la COVID-19 et le virus respiratoire syncytial. On pourrait se retrouver avec un défi sur le plan de la prise en charge de patients [en janvier]. »
— Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal
Benoit Barbeau lance lui aussi un appel à la prudence pendant les Fêtes afin d’éviter de « mettre de l’huile sur le feu ».
Nathalie Grandvaux, biochimiste à l’Université de Montréal, craint quant à elle un « mois difficile » si la propagation de virus continue d’augmenter.
En 2021, le premier ministre François Legault avait demandé aux Québécois de se limiter à un seul party de Noël de 10 personnes maximum. L’année d’avant, les rassemblements avaient tout simplement été interdits.
Pourrait-on en arriver là en 2022 ? La Dre Grandvaux soupire lorsqu’on lui pose la question.
« On a un besoin de socialisation. Il faut être clair là-dessus. Ça fait presque trois ans qu’on est en pandémie et pendant cette période, on a appris des principes à mettre en place pour limiter la transmission des virus. Si on a des symptômes, on reste chez soi. »
— Nathalie Grandvaux, directrice du Laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales, au CHUM
La Dre Grandvaux rappelle qu’il est toujours possible de se faire vacciner – pour la COVID-19 et l’influenza – afin d’atteindre une protection à temps pour Noël. Elle indique aussi que le masque est un « outil à considérer » dans certaines situations comme un rassemblement intérieur qui compte des aînés. Elle suggère également l’emploi de tests de dépistage de la COVID-19 avant une fête. Ouvrir les fenêtres lors d’un rassemblement intérieur aide à freiner la propagation des virus.
L’année dernière, la plupart des enfants avaient terminé l’école le 22 décembre, mais certains établissements avaient devancé le congé scolaire et des parents avaient retiré leurs petits de la garderie quelques jours avant Noël afin de pratiquer une mini-quarantaine avant le réveillon. Cette année, le calendrier scolaire s’étire jusqu’au 23 décembre dans la grande majorité des écoles de la province… ce qui laisse à peine 24 heures entre la fin des classes et les premiers rassemblements.
« Malheureusement cette année, les gens vont finir de travailler le vendredi et Noël tombe le dimanche », souligne la Dre Grandvaux. « Ce serait donc prudent d’éviter des rassemblements comme des partys de bureau si on a l’intention de voir des personnes vulnérables comme des enfants ou des personnes âgées dans les jours qui suivent. »
« Mais demander aux gens de ne pas se réunir, ajoute-t-elle, je pense que personne ne veut se rendre là. »
Trois virus et leur période d'incubation
Grippe
La période d'incubation dure de 1 à 4 jours. Elle est en moyenne de 2 jours.
VRS
La période d'incubation de l'infection à VRS est d'environ 2 à 8 jours.
COVID-19
La période d'incubation varie de 1 à 14 jours.
Sources : Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et Agence de la santé publique du Canada